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Justine Marty travaille dans le cadre du CDP Need for IoT sur l'engagement et intégration des consommateurs dans la chaine d’approvisionnement des entreprises du secteur de l’IoT (Internet des Objets) et des métaux rares, pour relever les défis de la durabilité. Sa thèse est codirigée par Blandine Ageron et Ludivine Chaze-Magnan.
Le sujet des métaux rares est complexe, eu égard à la multitude des enjeux qui lui sont liés. Les enjeux vont au-delà des seules considérations géopolitiques, économiques et d’approvisionnement. Les problématiques liées à la durabilité et à l’éthique sont également prégnantes.
L’extraction et le raffinage de ces métaux sont complexes et nécessitent l’utilisation de grandes quantités de produits chimiques et d’eau. Il existe peu de réglementation dans le secteur de l'extraction minière, et les eaux non traitées s'avèrent nocives pour les habitants des villages voisins ainsi que pour la faune et la flore. En outre, en l’absence de réglementation sur les conditions de travail, les mineurs peuvent être en contact avec ces produits chimiques pendant de longues périodes, sans protection adéquate.
Pour proposer des produits et procédés plus durables, plusieurs options peuvent être étudiées. Premièrement, la substitution de ces métaux ou la réduction de ces derniers est possible. Le recyclage peut également être envisagé. Néanmoins, la possibilité de recyclage reste moindre, car aujourd’hui les métaux rares utilisés dans des produits tels que les téléphones ou les ordinateurs sont souvent alliés à d’autres métaux, ce qui rend leur récupération difficile. Ces métaux ne représentent qu’une infime partie du poids des objets finis, ce qui explique en partie pourquoi ils ne sont pas récupérés. De plus, pour les récupérer et les recycler, il est nécessaire de recourir à des procédés coûteux et polluants qui utilisent également des produits chimiques. Le coût du recyclage n’est pas avantageux par rapport au coût d’extraction de la nouvelle matière première.
Une autre solution que les entreprises pourraient utiliser est l’intégration de leurs consommateurs. En effet, les produits finis leur sont destinés, il pourrait donc être intéressant d’observer dans un premier temps quels sont leurs besoins réels, et dans un second temps de les consulter pour savoir quelles solutions ils peuvent apporter. Aujourd’hui, il semblerait que les produits proposés aux consommateurs soient plus avancés technologiquement que ce qui est réellement nécessaire à leur utilisation. En effet, pour illustrer ce propos, nous pouvons prendre l’exemple de la mission Appolo 11 qui a envoyé des hommes sur la lune. A l’époque, l’ordinateur à bord de la mission ne disposait que de 4 kilobits (Ko) de mémoire vive (RAM), aujourd’hui un ordinateur standard dispose facilement de 8 Giga-octets (Go) de RAM, soit 2 millions de fois plus. De même, il est possible de trouver un téléphone d’une valeur de 200 € avec 6 Go de RAM. La RAM permet un accès rapide aux informations stockées : plus la RAM est importante, plus l’ordinateur ou le téléphone sera rapide et moins il « ramera ». Évidemment, la façon de travailler a évolué autant que la technologie, et il peut être compréhensible d’avoir besoin d’un nombre élevé de RAM sur un ordinateur lorsqu’on utilise beaucoup de logiciels et qu’on a besoin de beaucoup de puissance de calcul. Cependant, il semblerait que, dans l’ensemble, l’utilisation des smartphones se résume à l’utilisation des fonctions d’appel et de messagerie ainsi que des applications de réseaux sociaux ou des jeux. Les entreprises pourraient donc essayer de comprendre les besoins tout en intégrant les consommateurs en leur permettant d’être des acteurs du changement. Même si ces derniers ne sont pas nécessairement des experts en métaux rares, ils sont néanmoins très créatifs et peuvent proposer des solutions innovantes, tant en termes de durabilité que de technicité.
L’intégration de ces acteurs peut passer par plusieurs types de méthodes, certaines leur permettant d’avoir un rôle plutôt passif, comme par exemple, les questionnaires de satisfaction ou les avis en ligne.

Mais d’autres méthodes peuvent donner un rôle beaucoup plus actif aux consommateurs, en les faisant pleinement participer au processus de design ou de conception. Dans le secteur des terres rares, une méthode telle que l’hackathon, marathon de programmation sous forme collaborative regroupant des personnes passionnées d’informatique, peut permettre de proposer des solutions techniques et/ou durables dans un objectif de co-conception.

La durabilité peut être atteinte par au moins deux moyens, soit par des réglementations imposées aux entreprises, soit par une pression accrue des consommateurs. Sachant que les réglementations sont parfois difficiles à mettre en œuvre, qu’elles diffèrent d’un pays à l’autre et qu’elles sont souvent vécues passivement par les entreprises, la possibilité d’intégrer des acteurs est donc une réponse proactive aux enjeux environnementaux.
Mis à jour le 16 avril 2021